Deux ans après avoir inauguré son premier vol sur l'aéroport de Beauvais au nord de Paris, Easyjet se retire totalement de la plateforme, faute de rentabilité...
C’était en fanfare et trompettes que l’aéroport de Paris-Beauvais avait accueilli en novembre 2022 la compagnie low-cost easyJet, avec le lancement de vols sur Lisbonne. Un ballon d’essai transformé en 2023 avec le lancement de vols vers Milan Malpensa et Nice.
Finalement, la compagnie orange jette l’éponge sur l’aéroport du nord de Paris. En plein exercice de restructuration (notamment avec l’arrêt de sa base de Toulouse), easyJet vient d’annoncer cesser ses trois lignes depuis Beauvais fin octobre. Le motif : l’impossibilité de rentabiliser ses vols sur la plateforme. Lesquels ont aussi généré de la concurrence à ses propres liaisons depuis Orly et Roissy CDG.
Les déboires d’easyJet font cependant le bonheur de Ryanair qui vient d’indiquer offrir des tarifs spéciaux de Beauvais vers Lisbonne et Milan, lignes sur lesquelles les deux compagnies étaient concurrentes.
L’aéroport de Beauvais attend ses nouveaux actionnaires pour voir plus grand
La direction de l'aéroport de Beauvais, porte d'entrée low-cost pour Paris et pour un grand quart Nord de la France, connaît les limites de la plateforme. Et espère que le nouvel actionnaire viendra avec un projet de modernisation.
L’aéroport de Beauvais à 90 km au nord de Paris doit gérer son succès. La plateforme, posée au milieu des champs de la plaine picarde, est de fait le seul aéroport français ayant réussi à dépasser en 2022 le trafic de l’année-clé 2019, la dernière avant la crise du Covid. L’an dernier, Beauvais a été le seul grand aéroport français à avoir connu en effet une croissance à deux chiffres comparée à 2019.
La hausse du trafic a été de 15,8%. Le volume passagers a ainsi atteint 4,61 millions en 2022. « C’est effectivement une très heureuse surprise. Et pour les passagers, elle se traduit par une baisse de la taxe aéroportuaire », raconte Oliver Dessertaine, Directeur financier et juridique de la Société aéroportuaire de gestion et d’exploitation de Beauvais (SAGEB). Cette dernière a reçu une concession d’une durée de 15 ans. Concession qui prendra d’ailleurs fin à l’été 2023.
Plusieurs sociétés d’exploitants aéroportuaires sont ainsi sur les rangs. Car le potentiel de l’aéroport est réel, aussi bien géographiquement que sur certains segments.
Géographiquement, l’aéroport est certes éloigné de Paris. Il faut compter une heure à une heure trente de route pour le rejoindre par une navette depuis la Porte Maillot. « Mais on a une zone de chalandise de 5 millions de passagers. Elle comprend dans un rayon d’une heure autour de l’aéroport le grand nord de Paris, la Picardie avec Amiens et même la Normandie », décrit Edo Friart, Directeur Commercial de l’aéroport.
Atouts low cost et Europe centrale
Un tel potentiel a par exemple attiré easyJet, qui, en quelques mois, a lancé trois lignes aériennes sur Lisbonne, Milan et Nice. « Il est certain que la ligne Nice-Beauvais attire une clientèle très régionale plus que purement parisienne où l’offre est déjà conséquente. On étudie déjà d’autres lignes potentielles », analyse Reginald Otten, Directeur adjoint France d’Easyjet.
Beauvais est par excellence un aéroport low-cost. Selon la DGAC, 99,4% de son trafic est généré par les compagnies low-cost, Ryanair et Wizzair étant les deux plus importants opérateurs. « Nous n’avons qu’une seule compagnie traditionnelle et c’est Air Moldova. C’est d’ailleurs le seul aéroport que cette compagnie dessert à Paris » , indique Edo Friart.
C’est sur ce marché de niche que Beauvais forge entre autres sa réputation, notamment pour les hommes d’affaires. La plateforme propose en région parisienne des lignes aériennes exclusives en Europe centrale et dans les Balkans. Comme par exemple Cluj Napoca ou Timisoara en Roumanie, Debrecen en Hongrie, Zadar en Croatie, Skopje en Macédoine, Tirana en Albanie ou encore Poznan et Gdansk en Pologne. « Nous étions aussi très fort sur l’Ukraine avant la guerre », précise encore le Directeur Commercial.
Beauvais est également relié à de nombreuses villes régionales italiennes, au Portugal, à l’Irlande, au Royaume-Uni ainsi qu’au Maroc ou encore la Jordanie. Au total plus de 80 villes sont ainsi desservies régulièrement cet été. « On souhaiterait développer davantage de vols vers le Royaume-Uni, la Turquie mais aussi l’Afrique du Nord. Mais pour l’Algérie ou la Tunisie, nous sommes tributaires de droits de trafic bilatéraux plus stricts », explique Edo Friart.
Dans ce contexte florissant pour l’aéroport, le futur opérateur de la plateforme devra procéder à des investissements importants. « Sur les 15 dernières années, la SAGEB a investi 47 millions d’euros. Mais il faudrait vraisemblablement de 200 à 400 millions euros dans les prochaines années pour que l’aéroport puisse gérer l’accroissement de son trafic », estime Olivier Dessertaine.
Avec un volume de 5 millions de passagers – vraisemblablement atteint cette année -, les deux aérogares de Beauvais seront à saturation. La SAGEB laissera donc au prochain concessionnaire le soin d’évaluer les investissements nécessaires.
Une série d’investissements pour les nouveaux propriétaires
Mais il est certain qu’il faudra, soit agrandir les deux terminaux existants, soit créer une nouvelle aérogare ou un bâtiment de jonction entre les deux structures. Sans parler de la nécessité de nouveaux parkings. Et l’agrandissement des zones de contrôle et de sûreté à l’embarquement. Les autorités reconnaissent que les aérogares doivent offrir un confort plus conforme à l’attente des passagers. « Tout en restant cependant un aéroport pour le low-cost », insiste Edo Friart.
Les améliorations pourraient comprendre un passage piéton couvert entre les parkings, la gare de bus et les aérogares. Plus de sièges et de prises USB dans les terminaux, ou encore des panneaux d’affichage des vols dès l’entrée sur le domaine aéroportuaire. « On réfléchit actuellement à installer des moniteurs avec les départs des vols dans les autocars qui font la navette depuis Paris », assure la direction. La desserte ferroviaire devra être aussi améliorée à terme. Mais c’est un domaine qui relève de l’Etat, la SNCF et la région…
Beauvais a de fait un bel avenir. « Bien évidemment, le trafic affaires reste encore marginal. Mais avec notre positionnement de niche sur certaines destinations et de nombreuses PME avec des budgets voyages restreints, Beauvais est une alternative crédible », souligne encore Edo Friart. Sur les deux premiers mois de 2023, Beauvais a déjà enregistré 760 000 passagers. Soit une hausse de 35,7% par rapport aux deux mêmes mois de 2019.
Source : https://www.voyages-d-affaires.com/